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16MM:
Patrick Bokanowski
FEATURE FILM:
Bertrand Mandico
Yulene Olaizola
FESTIVAL EXCHANGE:
NOVA
VIDEO THEATRE:
Filippos Tsitsopoulos
Olivier de Sagazan
S FILM & VIDEO ART:
Aunstrup & Hafslund
Alessandro Amaducci
Flo Kaufmann + Zimoun
Katrin Ottarsdóttir
Leyla Rodriguez &
Cristian Straub
Makino Takashi
Marianna Mørkøre & Rannvá Káradóttir
Mie Olise
Valentina Ferrandes
DOCUMENTRY:
André V Larsen
Kaspar Astrup Schröder
Tom Hovinbøle
LAPW RESIDENCIES:
Armando Seijo
David Kew
Genetic Moo
LIVE MUSIC:
BIRD RADIO
STORYTELLING:
Fran Flett Hollinrake
Tom Muir
ARCHITECTURE:
MAD Architects
Multiplicities
Valerio Olgiati
BOOK LAUNCH:
Antonio Nodar
 
 
Olivier de Sagazan
papa westray
TRANSFIGURATION

Transfiguration #1
public performance - 13'54"
Transfiguration #2
video - 4'23"
Transfiguration #3
video - 3'06"
 
Olivier de Sagazan fait de lui même une humanimalité en petit pitoyable, pathétique, magnifique. Se prenant non pas pour modèle, plus de modèle possible, jamais mais pour figure lui même de cette disparition, de ce disparaissement de toute figure. En quoi il conspire au secours et à la consolation de toutes les figures possibles, faibles, folles, infirmes, fragiles, apparaissant, disparaissant, par lesquelles passent toutes ceux à qui l'humanité est contestée, niée"

Michel Surya

 
Leçon par corps

de Philippe Verrièle

extrait de "Transfiguration" porte folio édité par Democratic Book et PUA

Janvier 2010

Les apparences sont là, avec une force d’évidence telle qu’un esprit un rien critique ou facétieux soupçonne quelques subtilités cachées. Pourtant, a priori, il est question de visage. A regarder Olivier de Sagazan, à genoux, se couvrant la bouche, les yeux, les cheveux, d’argile ou de filasse, il n’est pas douteux qu’il y a là quelque chose à voir avec la face. Et même toute la tête. Pour s’en convaincre notons que la performance Transfiguration que ce sculpteur et peintre donne en public depuis 2001, est , dans certaines programmations, précisée d’un sous-titre explicite, « avec surmodelage du crâne et du visage ». Petite précision qui renvoie à des pratiques rituelles répertoriées dans de nombreuses cultures, comme celles des îles Vanuatu ou Salomon, mais encore les Incas ou en ancienne Mésopotamie, et qui dans tous les cas revient à redonner aux morts, en même temps qu’un visage, une présence dans l’univers du vivant.

Entre le mois d’octobre 1999 et février 2000, feu le Musée des Arts d’Afrique et d’Océanie de la porte Dorée, à Paris, proposa une remarquable exposition, sous le titre superbe –emprunté à Apollinaire- La mort n'en saura rien. Il s’agissait de confronter soixante-quatorze objets venant de cultures aussi diverses que la Bavière ou La Nouvelle Guinée pour montrer « comment à partir de l'emblème universel du crâne s'élaborèrent des concepts culturels et esthétiques d'une grande créativité » comme le précisait le petit journal de l'exposition, lequel remarquait également que "dans certaines cultures d'Océanie et d'Europe, les vivants parent les crânes des morts pour qu'ils continuent d'exercer une mémoire et des pouvoirs ».

C’est assez bien notre sujet présent si l’on admet qu’Olivier de Sagazan rejoint une forme de rituel ancien qu’il renouvelle en le mettant en œuvre selon un principe très simple à décrire : un homme assis se couvre méthodiquement, mais à l’aveugle, le visage d'argile qu'il peint, mêle de paille voire de clous, jusqu'à perdre figure. Cet agissement convoque de multiples images : gueules cassées, masques rituels, reliquaires, vanités. Pendant la grosse dizaine de minutes que dure la performance, le visage devient idole primitive et figure de monstre, se pare de cheveux de poupée, emprunte le nez de Pinocchio, évoque le Golem ou l’épouvantail. Le performeur se glisse dans l’apparence d’un artefact imitant la vie dans une logique qui doit lui permettre « d’exercer une mémoire et des pouvoirs » comme s’il était mort, tout en restant vivant, cependant. Ce qui, on l’admettra, est un parcours un rien chantourné.

Or tout cela se loge dans le chef, avec une ritualisation un rien ostentatoire. On notera les mantras silencieux grommelés dont quelques bribes de mots affleurent, l’ordre scrupuleux de la cérémonie, la progression dans l’éructation : tout ce qui s’apparente proprement à un rituel d’exorcisme, puisqu’il s’agit bien de faire sortir quelque chose qui y résiste. Il faut se souvenir qu’exorcisme dérive du grec exorkizein qui lui-même dérive de la racine horkos, signifiant le fait de conjurer (faire des serments), mais aussi la limite ou la clôture (herkos). Exorciser c’est donc, en somme, faire sortir de la limite autant qu’éloigner par des serments, c’est-à-dire conjurer.

Puisqu’il est apparemment question de tête dans cette affaire, et puisque la pratique à laquelle nous voilà convoqué s’apparente, toujours si l’on s’en tient à ce qui relève de l’apparence, de l’exorcisme, déduisons qu’il serait question de faire sortir quelque chose de cette tête-là pour en retrouver l’équilibre et la sagesse. La justification de la performance pourrait être ainsi expliqué, même si cela peut paraître un peu facile. Mais on a quelques excuses, on peut même justifier. Le performeur lui-même l’a écrit qui confie « Juin 2000 est un triste mois, aucune production, concentration impossible, je ne sais pas où j'en suis, ni ce que je cherche. Il me vient alors une idée étrange, si j'ai perdu "la tête", il me faut la "ressentir", la remettre en place, je vais avec les mains toucher mon visage, y mettre de la terre et tous les matériaux que j'utilise pour ma peinture et ma sculpture. »[1]

Voilà donc la chose éclairée. Transfiguration tiendrait de la catharsis ; ce serait cette façon de toucher le crâne pour vérifier qu’il est bien en place, que la tête est revenue des morts. Cela fait des images bien fortes et l’on reste dans le domaine plastique tant il est vrai que la déformation subie par la tête fascine. C’est toute l’identité qui s’effondre quand la face s’englue sous l’argile ; c’est toute la relation avec l’homo sapiens sapiens qui se dérobe quand l’autre ne trouve plus d’yeux à fixer et de lèvres à lire. Mais le plus terrible reste à venir. Car, tandis que la matière submerge les traits, tandis que la terre prétendument originelle reprend ce que toute la lente émergence de l’homme était parvenu à lui arracher pour qu’il y ait, justement, là, du quidam, du machin-chose, du tartempion, tandis que la tectonique prend le pas sur le portrait, le reste du corps, lui, rugit qu’il se rattache toujours à l'aventure humaine. Obstinément il dit l’identité de l’homme quand le chef s'en échappe.

Si le visage constitue l’identité, le corps proclame l’appartenance à l’humanité. Dans cette aventure de crâne et de face, dans ce « dé-visagement », le plus hurlant vient du corps. Au début, quand la performance s’appele encore La Chair en face, (entre 2000 et 2005/2006), Olivier de Sagazan apparaît torse nu. Il commence sa prestation en enduisant son torse d’argile diluée, empruntant l’apparence de ces danseurs butoh[2], glabres, blanchâtres, lisses et hors du temps. Il s’agit de gommer l’anecdote du corps pour le rendre archétypal. La performance confronte alors un visage qui se déshumanise à un corps immarcescible et obstiné à dire l’humain. Ce n’est qu’après plusieurs représentations qu’Olivier de Sagazan va apparaître en costume. Un peu étriqué, avec une chemise blanche, une cravate un peu voyante, la raie bien sage dans les cheveux, ce qui est assez éloigné de la livrée habituelle de l’artiste, mais évoque assez bien un héros de Kafka ou mieux encore d’Italo Svevo. Un petit employé d’assurance, un homme de respect des conventions, un citoyen sans histoire auquel est soudain fait le reproche d’exister. C’est entre cette banalité du corps socialement encadré, vêtu et discipliné, et la face ravagée par la catharsis que se joue Transfiguration. L’adoption du costume permet au performeur de souligner la valeur « duchampienne » du corps dans la performance. Il est l’ultime ready-made porteur de toutes les significations, des interdits et des tabous les plus profonds et contraste alors avec l’inhumanité qui se joue sur la face ; il dit l’artiste toujours humain, quand même.

Le fameux petit schéma illustrant du singe à l’homme redressé la théorie darwinienne, pour faux qu’il soit, exprime bien comment la silhouette identifie l’humain et le distingue. C’est ce que le mot allemand Figur affirme en mêlant la figure et la silhouette. Et dans Transfiguration, la Figur demeure, s’obstine même à rappeler la grandeur banale de homme qui tout ravagé par la tempête morphologique autant que métaphysique persiste à être. A l’abbé qui lui rappelait que Dieu a fait l’homme à son image, Fontenelle répondit « et l’homme lui a bien rendu ». Dans Transfiguration, c’est le corps qui tient tête à la face.

Philippe Verrièle

[1] Olivier de Sagazan, Ame de boue, texte inédit envoyé par mail le 5 septembre 2010.

[2] Le butô (ou butoh, ou buto) est un style chorégraphique japonais de la seconde moitié du vingtième siècle. A partir de la fin des années 1950, Tatsumi Hijikata (1928-1986), le père du butô, enrichit la danse moderne Allemande introduite dans son pays avant la seconde guerre mondiale, de ses lectures (Bataille, Genet, Lautréamont). La rencontre avec Kazuo Ohno (1906- ) va constituer le point de départ de cette recherche artistique dont les noms les plus connus sont Carlotta Ikeda, Sankaï Juku, Ko Murobuschi ou Tanaka Min.

 
Olivier de Sagazan
For more than 20 years, Olivier de Sagazan has developed a hybrid practice that integrates painting, photography, sculpture, and performance. In his existential performative series Transfiguration, which he began in 2001, de Sagazan builds layers of clay and paint onto his own face and body to transform, disfi gure and take apart his own fi gure, revealing an animalistic human who is seeking to break away from the physical world. At once disquieting and deeply moving, this new body of work collapses the boundaries between the physical, intellectual, spiritual and animalistic senses. Of this ongoing series, which he resumes during the Symposium, the artist states: “I am interested in seeing to what degree people think its normal, or even trite, to be alive.” Indeed, Olivier de Sagazan’s work leaves no-one indiff erent to life.

Olivier de Sagazan has exhibited widely in France and Europe, in art galleries, museums, and fi lm festivals. With an almost cult following online, and rave reviews about his expressive and inimitable style, it is no wonder de Sagazan’s remarkable “body art” work is featured in the upcoming non-verbal film Samsara, the Sequel to Baraka, directed by Ron Fricke. He has recently shown at Galerie Vitoux in Paris, Galerie Duchoze in Rouen, Crid’art in Metz, and Sordini in Marseille.

 
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